Le fabuleux rôle des sols vivants dans le cycle de l’eau

L’eau douce est une ressource renouvelable qui fait partie intégrante de notre environnement.
Mise à disposition à chaque épisode de pluie, nous l’attendons pour arroser nos cultures et dépoussiérer l’air. Nous l’attendons aussi pour qu’elle remplisse nos nappes phréatiques pour des besoins ultérieurs.
La quantité d’eau douce disponible dépend directement de la qualité des sols récepteurs ! On parle alors de la « phase terrestre du cycle de l’eau ». L’enjeu est de ralentir les flux d’eau de pluie et de prolonger son temps de résidence dans les sols, afin qu’elle puisse s’infiltrer profondément dans les
sols et y remplir son rôle de vitalisation des écosystèmes du sol et aussi d’alimenter l’hydrologie terrestre souterraine, que nous ne voyons pas, mais qui est pourtant l’incontournable d’une gestion quantitative naturelle, gratuite et de bon sens.
L’optimisation de la quantité d’eau douce disponible tient ainsi dans la qualité physique et paysagère des milieux récepteurs des eaux des pluies. Les meilleurs réceptacles de l’eau de pluie sont les forêts
et les zones humides. Celles-ci forment de véritables éponges prolongeant le mariage fécond entre la faune, la vie bactérienne du sol et l’eau douce. Les arbres agissent comme des pompes hydrauliques qui libèrent progressivement l’eau de pluie emmagasinée, tout comme les zones humides. Les précieuses forêts et zones humides sont des filtres naturels de purification de l’eau, elles sont aussi des tampons face au réchauffement climatique, cela grâce à l’évaporation et l’évapotranspiration des arbres : le cycle de l’eau se perpétue et les pluies reviennent plus souvent. Nous savons maintenant qu’il est important que nos sols puissent accueillir et retenir les eaux de pluie en leur sein…Or, cela n’est étonnamment jamais évoqué ! Comme si les sols ne comptaient pas ! Et que les pluies pouvaient rejoindre directement les rivières ! Est-ce ainsi que cela se passe aujourd’hui ?
Les pluies arrivent en effet bien trop vite dans les rivières, car de nombreux sols agricoles sont étonnamment devenus aussi étanches à l’eau que les sols artificialisés des villes qui évacuent directement l’eau des pluies vers les rivières…et la mer. Cela est parfaitement dramatique et au cœur
de la problématique de la gestion quantitative ipso facto parfaitement insoluble. Puisque l’élément clé de la régulation de l’eau de pluie ce sont justement les sols, et surtout les sols « vivants », humifères, avec 200 kilos de vers de terre à l’hectare ! Le problème est que les pluies ruissellent, elles partent directement et ne s’infiltrent plus… La grande majorité des pluies aujourd’hui ruisselle en surface. L’eau de pluie, qui s’est pour faible partie
infiltrée, est évacuée par les drains et les émissaires drainants des parcelles agricoles. L’eau est évacuée sans faire son œuvre dans la partie terrestre de son cycle.
Explication : il y a 60 ans, l’agriculture industrielle a conçu le remembrement et le drainage pour pouvoir mécaniser le travail, ce faisant il a éliminé les milieux humides, les terrasses, les haies et les bosquets.
Parallèlement le conventionnement avec l’Industrie agro alimentaire et les grandes firmes de produits chimiques a artificialisé les cultures les rendant certes plus productives mais également de plus en plus fragiles et dépendantes aux pesticides et à l’irrigation. Pour protéger les cultures, a été inventé le concept de « protection des plantes ». Ce qui s’inscrit naturellement dans la logique « hors sol » de production industrielle. La destruction d’éléments ciblés – comme les herbicides et les fongicides – sans
vision écosystémique globale (dont la vie des sols) a fragilisé l’écosystème agricole. C’est tout simple : le labour et les herbicides détruisent la faune du sol en général et les fabuleux travailleurs que sont les vers de terre en particulier ; quant à l’utilisation de fongicides, ils détruisent les champignons qui sont un élément fondamental et essentiel de l’écosystème du sol car ils sont les seuls à pouvoir dégrader les éléments ligneux à la surface des sols, préliminaire à la production d’humus.

Quelle voie prendre pour résoudre à la source le problème quantitatif de l’eau ?
L’unique réponse actuellement proposée pour répondre à un besoin croissant en eau est de décaler la disponibilité par un stockage hors sol au moment des pluies hivernales pour la restituer en été : c’est ce que l’on appelle le « stockage de substitution », pour les besoins estivaux de la culture du maïs et du refroidissement des centrales nucléaires, qui prélèvent quelques 80 % de l’eau disponible à l’étiage.
Pourquoi l’eau manque-t-elle ? Pourquoi le niveau des rivières monte-t-il si rapidement à chaque pluie et redescend-il immédiatement à la fin de l’épisode de pluie ? Pourquoi les eaux des rivières sont-elles turpides ? Pourquoi les nappes phréatiques ne sont-elles pas pleines ? Et cela malgré les pluies abondantes du régime pluvial français dont nous bénéficions ?
Les mesures d’économies d’eau sont nécessaires, mais elles ne compenseront pas l’eau douce perdue à cause de sols faiblards, dépouillés des zones humides, des massifs forestiers et arbustifs ou de cultures en terrasses qui jadis ralentissaient les flux d’eau et contribuaient à prolonger le temps de résidence pour améliorer l’infiltration dans les sols. Si sa disponibilité pour les différents usages dépend de la gestion de son utilisation, par exemple avec des cultures mieux adaptées donc moins fragiles et moins exigeantes en eau, elle dépend de manière tout aussi importante de l’augmentation de sa ressource par l’allongement de son temps de résidence dans sa phase terrestre. Et cela n’est par
contre étonnamment pas questionné ! Seules les économies d’eau sont questionnées : cette prise en compte est une bonne chose, mais
clairement insuffisante face à l’augmentation de la population et la couverture des besoins. La fine couche vivante à la surface du globe terrestre (terres émergées et océans) est l’organe vivant qui peut être comparé aux intestins de la planète. Or, si des découvertes médicales relativement récentes (10-15 ans) parlent des intestins comme « deuxième cerveau », siège de la fabrication de la résilience et des équilibres, la corrélation avec la couverture terrestre « vivante et en bonne santé » des
sols et des océans n’est pas encore intégrée dans les prérogatives de gestion publique de l’eau. Retenir et prolonger le temps de résidence des pluies en mariage fécond dans des sols vivants. L’eau est en quantité constante sur le globe terrestre. Sous ses différentes formes, pluie, nuage de vapeur d’eau, neige, glace, océans, rivières. L’homme a besoin d’eau douce pour vivre, et c’est justement la phase terrestre du cycle de l’eau qui répond à ce besoin, donnant et redonnant la même eau douce depuis que la terre existe.
Si on comprend bien le cycle de l’eau, et que l’on intègre notre nécessaire adaptation au réchauffement climatique, alors, il nous faut limiter les phénomènes d’évaporation et privilégier l’évapotranspiration des plantes et la photosynthèse. En effet, les eaux stagnantes des réserves artificielles en se réchauffant accentuent le réchauffement climatique et l’évaporation importante qui en résulte est une perte sèche d’eau douce pour les usages. Quand un choix s’offre à nous, nous devrions privilégier celui qui préserve
la vie, la biodiversité et la photosynthèse : cela est également une notion encore peu prise en compte.
En conclusion : Plus nos sols seront vivants et humifères, plus ils capteront et retiendront les eaux de pluie en leur sein, ils filtreront, et stockeront l’eau des pluies dans les nappes phréatiques.
L’Agroécologie relie l’agriculture au sol dans une vision écosystémique régulatrice et réparatrice.
Le réchauffement climatique n’est pas le responsable de l’aridification des sols, mais bien les désherbants systémiques qui ont industriellement achevé de détruire la résilience des sols. Accentuant ainsi le recours aux retenues face aux sols exsangues et en incapacité de remplir leurs fonctions naturelles.

Article de presse 02/09/2019 – Grand public

mail : sabinemartin.b@orange.fr

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