Sur demande des associations du mouvement France Nature Environnement, le tribunal administratif de Nantes vient d’exiger de 4 préfets de département des Pays de la Loire qu’ils complètent les arrêtés par lesquels ils définissaient les « points d’eau » à proximité desquels l’application de pesticides est interdite. Ces jugements rejettent la définition trop limitée retenue par les arrêtés, ne permettant pas la bonne protection de la ressource en eau. C’est surtout une sanction de l’incapacité des représentants locaux de l’État à résister au lobby de l’agriculture chimique.
Une régression de la réglementation environnementale
Pour faire face à la contamination généralisée de milieux aquatiques, un arrêté ministériel imposait depuis 2006 des zones de non traitement (ZNT) : des aires en bordure des points d’eau, sur lesquelles il est interdit d’épandre des pesticides. Pour être efficace, cette mesure doit concerner l’ensemble des points d’eau, des plus grands (rivières, lacs, étangs…) aux plus petits (rus de tête de bassin versant, fossés…). Les milieux sont en effet interconnectés.
Jusqu’en 2017, cette protection concernait l’ensemble des éléments du réseau hydrographique de la carte de l’IGN, une carte imparfaite mais faisant figurer de nombreux points d’eau. « Seulement, voilà : depuis la modification de cet arrêté le 4 mai 2017 et sous la forte pression d’une partie de la profession agricole, réticente à ces ZNT, les préfets de département des Pays de la Loire ont exclu la carte de l’IGN pour se référer à une carte réduite des cours d’eau, établie par les services de l’Etat » explique Jean-Christophe Gavallet, président de FNE Pays de la Loire. « Résultat : un linéaire important de cours d’eau précédemment protégé ne bénéficie plus d’aucune protection ».
Des jugements donnant raison aux associations
Non entendues au cours de la concertation, FNE Pays de la Loire et plusieurs associations de son mouvement ou sympathisantes ont demandé aux préfets de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Sarthe et de la Vendée de bien vouloir compléter leurs arrêtés en prenant en compte la totalité du réseau hydrographique. Les préfets ayant rejeté ces demandes, les associations ont saisi le tribunal administratif de Nantes au début de l’hiver 2017-2018. Par quatre jugements du 29 octobre 2020, le tribunal a donné raison aux associations en enjoignant aux préfets de compléter leurs arrêtés dans un délai de 3 mois afin d’y inclure à la fois les cours d’eau répondant à la définition légale, indépendamment de leur représentation sur une carte, et les éléments figurant sur les cartes de l’IGN. Pour les départements de la Loire-Atlantique et de la Vendée, le tribunal impose également le rétablissement de la protection de 1 mètre pour les fossés, précédemment en vigueur et dont la suppression viole le principe de non-régression.
La solution qui se dégage de ces jugements porte à 24 le nombre de recours victorieux du mouvement de FNE contre les arrêtés ZNT sur le territoire national.
Pour un réel volontarisme de l’Etat sur le dossier des pesticides
La pollution des eaux par les pesticides dans notre région est généralisée, entraînant des surcoûts de traitement par les collectivités et donc pour tous les contribuables. Surtout, elle génère des risques importants pour la santé humaine. Dans ce contexte, les arrêtés adoptés par les préfets étaient à contre-courant des enjeux environnementaux et des attentes de la population.
« À l’instar de l’affaire des « chartes de bon voisinage », qui a permis aux exploitants agricoles de diminuer les distances d’application à respecter vis-à-vis des habitations avec la bénédiction des préfets, ce dossier illustre la place occupée par le lobby de l’agriculture intensive auprès des représentants locaux de l’Etat » s’insurge Jean-Christophe Gavallet. « Nous serons très attentifs à la bonne mise en œuvre des jugements qui viennent d’être rendus et souhaitons que les prochaines décisions adoptées sur la thématique des pesticides témoignent enfin du volontarisme de l’Etat sur cet enjeu de santé publique ».
NB : le nouveau référentiel qui résultera de ces décisions de justice ne s’appliquera qu’aux pulvérisations de pesticides. Il n’a en revanche pas vocation à s’appliquer pour la mise en oeuvre des travaux soumis à la loi sur l’eau, pas plus qu’à l’identification des cours d’eau devant bénéficier d’une bande enherbée. Ces cartes relèvent de réglementations distinctes.